mardi 3 février 2009

"Bonne" année


Réjouissons-nous, le mois de janvier est terminé, et il emporte avec lui les traditionnels vœux de début d’année. Curieuse tradition que celle d’ajouter « et bonne année hein ! » aux habituels « salut », « ciao » et « à plus » qui concluent généralement une interaction.

À 00H01, le ‘bonne année’ tonitruant et enthousiaste qui résonne dans la salle a quelque chose d’émouvant. L’esprit vagabonde dans les vapeurs de champagne : on mesure le chemin parcouru en 12 mois, on est heureux et plein d’espoir, on fait des déclarations intempestives à tous ceux qui sont à portée du déferlement d’amour que l’on sent en soi. Inévitablement, la formule perd de son impact à mesure que passent les jours. Si bien que le 31 janvier, ‘bonne année’ ne provoque plus aucune accolade ou larme à l’œil, sauf cas rares (et inquiétants).

On se moque, on trouve ça ridicule, mais soyons honnêtes : cette année encore et comme toutes les autres, chacun d’entre nous a répété 72 fois « bonne année », et avec le sourire la plupart du temps. Les authentiques activistes anti-bonne-année (« Je te souhaite une bonne année ! » « Ah ouais ? Et ben moi je te souhaite une année de merde. Pourrie. Une avalanche de tuiles. ») sont finalement chose peu commune.

Mais l’année 2009 se distingue des autres. Elle a donné naissance à une nouvelle forme de vœux : les vœux décourageants. C’est tout simple et à la portée de n’importe qui, il suffit d’ajouter des guillemets au mot « bonne », et on transforme immédiatement amitiés et bons sentiments en une sorte de prophétie funeste. Ecrire « bonne » année, c’est dire : je le dis, mais je trouve ça vraiment inepte de formuler pareils vœux alors que la société va à vau l’eau, que c’est la crise, que nous ferions mieux de tous nous immoler par le feu dès aujourd’hui tellement cette année va être difficile, infernale, terrible, on n’aura plus de travail, on croisera des gens qui poussent des charrettes sur le bord des routes, on aura les ongles sales, nos enfants contracteront le scorbut, une météorite va s’abattre sur la Terre, l’empire soviétique renaîtra de ses cendres, la crise de 29 c’était une sinécure à côté de ce qu’on va endurer, la Bérézina c’était une fête entre amis sur une plage en été.

Ça fonctionne aussi à l’oral, pour un effet tout aussi déprimant. Citons ici un présentateur radio dont je tairai le nom (pour l’avoir oublié) : « Bonne année à tous les auditeurs, enfin « bonne »… Je m’entends. ».

Question : quel intérêt ?

Suggestion pour 2010 (à l’endroit des cyniques, des pessimistes et des présentateurs radio) : abstenez-vous.

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