vendredi 27 février 2009

vendredi 20 février 2009

Peut-on échapper aux clichés ? Triste constat : moi, pas.



Ami lecteur, félicitations : cette fois, tu en es sûr, tu as rencontré la femme de ta vie. Au moins la femme de ta vie pour un temps, ce n’est pas moi qui te demanderais de former des vœux pour l’éternité. Mais tout de même, ce n’est pas rien ce qu’il t’arrive, aussi laisse-moi de donner quelques conseils.

1- Ta femme ne doit jamais douter de son pouvoir de séduction sur toi.
Ex : Nicole Kidman est passée devant la terrasse du café où vous êtes attablés, tu ne l’as même pas vue. C’est bien normal.
Ex : Ta femme se déshabille, elle ne doit pas avoir besoin de solliciter ton attention. (« Chéri…. Chéri ? Eh ! Oh ! Mais non, pas la télé ! Là ! Je suis là ! Oh ! »).

2- Ta femme ne doit pas avoir l’impression que tu t’attends à chaque instant à un dérapage de sa part.
Ex : Ne pas dire « qu’est-ce qu’il y a encore ? ». « Encore » augmente de 60% les chances de dispute.

3- Au lieu de demander, « qu’est-ce qu’il y a encore », tu feras un effort d’interprétation.
Ex : Quand tu dis : « Dis-donc je pensais à un truc pour ce week-end… », ta femme finit ta phrase dans sa tête « pourquoi est-ce qu’on ferait pas une petite escapade au bord de la mer ? On mangerait des huîtres et on ferait l’amour toute la journée, qu’est-ce que t’en dis ? ». Tu admettras que : « Je vais faire du skateboard à Chelles avec les autres. (…silence…) Tu veux venir ? », c’est moins sympa.
Ex : Quand tu dis « Attends, je reviens, j’en ai pour 5 minutes. », ta femme se dit « C’est pas vrai, il est parti acheter des fleurs, il a pas oublié, j’arrive pas à le croire. » Tu provoques une déception malgré toi quand tu reviens essoufflé : « Pfffou… j’avais plus de feuilles à rouler. Ça va, toi ? »

4- Tu ne dois pas tomber dans les pièges que ta femme te tend.
Ex : « Bon, c’est décidé, je me mets au régime, tu me coaches ? » est bien sûr une invitation purement théorique. Si tu dis : « T’es sûre que tu veux mettre du gorgonzola dans tes pâtes ? C’est pas très léger… », elle te répondra « Ta gueule ». Et tu l’auras pas volé.

jeudi 19 février 2009

Check-up : L’orthodontiste 2

Quatre ans après ma dernière visite au lémurien, et malgré le système de contention savamment mis au point par le dentiste traître, mon incisive commença à foutre le camp vers l’avant. Après m’être fait réprimander par le second (« Mais c’est pas possible ! Qu’est-ce que tu fais avec ta mâchoire ? T’es entrain de foutre en l’air tout notre boulot !), je dus retourner chez la première. Ce n’était que juste châtiment pour avoir fait toutes ces choses idiotes et dangereuses avec ma mâchoire : l’ouvrir, la fermer ; n’importe quoi.
Je trouvai le lémurien amaigri. Ses yeux menaçaient de sauter des orbites, et les sourcils s’étaient figés en position martyr (comme le chat dans Shrek). Elle jeta un coup d’œil à ma bouche :
« - Bon… Soit on remet des bagues… (ndlr : j’avais 22 ans, pas 14) Soit on enlève les 4 dents et on met un bridge à la place (ndlr : j’avais 22 ans, pas 87).
- …
- Voilà.
- Mais pour quelle raison la dent avance-t-elle ? Je n’ai jamais eu les dents en avant, pourtant ?
- Ah bah ça, pourquoi, pourquoi… Pourquoi j’ai eu une pneumonie ? Pourquoi je n’ai pas pu travailler pendant un an ? Pourquoi je suis endettée jusqu’au cou ? Pourquoi ? Pourquoi ? C’est comme ça, c’est la vie, qu'est-ce que tu veux que je te dise. »
Le lémurien était passé en mode « no future », et j’avais accumulé assez de jugeote pour prendre la décision qui s’imposait : fuir.
C’est ainsi que je fis ma première visite chez Orthodontiste 2. Elle s’occupait de mon petit frère, et elle ne lui avait jamais proposé d’arracher toutes ses dents pour en mettre des fausses parce que finalement c’est plus simple, elle semblait faire montre de plus de subtilité dans sa pratique. Et en effet, elle me proposa simplement une gouttière à mettre la nuit pour que la dent se replace toute seule. Elle y posa cependant une condition.
« Ça ne sert à rien de traiter sans s’attaquer à la source du problème. Et la question que je vous pose, c’est : qu’est-ce que vous faites avec votre langue ? ».
Elle me fit promettre d’aller consulter un nouveau docteur d’élite pour répondre à cette épineuse question. A suivre : la saga des orthophonistes.

Interlude

Jacques Martin avait raison, les enfants sont formidables.
Dans la queue du cinéma, un adolescent de 13 ans environ montre des signes d’agacement. Une dame arrive en courant, elle est essoufflée, elle l’aperçoit dans la file et le rejoint en trottinant sur ses talons.
« - Mais quessta foutu, fallait prendre les billets à midi ! T’as vu la queue ? On va rater le film là !
- Bonjour mon chéri. »
Elle s’approche de lui pour l’embrasser.
Il détourne le visage : « Quesstu fais, là ? »
Ils restent côte à côte sans parler.
« - Tu es allé au cinéma avec tes copains hier ?
- Nan.
- Tu l’as vu LOL ?
- J’te dis quj’y suis pas allé, ‘tain.
Puis plus bas :
- Pfff… LOL… Genre. »
Je suis émue par cette belle manifestation de communication intergénérationnelle. LOL.

vendredi 13 février 2009

Check-up : l’orthodontiste 1




Je me souviens bien de ce jour glorieux. Nous étions à l’Hippopotamus, j’étais sortie de table pour aller faire des renversements sur la rampe de l’escalier qui menait aux toilettes.
(Note aux non-initiés : un « renversement » est une figure pratiquée aux barres asymétriques. C’est l’une des options possibles pour le gymnaste lorsqu’il commence son enchaînement ; on appelle ça une « entrée »

).
C’est là que le miracle a opéré : ma dent est tombée. C’était la 1ère, et j’avais 8 ans. Tous mes petits camarades avaient déjà eu le temps de sévèrement se frotter à la petite souris. J’avais fini par en venir à la terrible conclusion que ça arrivait à tout le monde, mais pas à moi (une remarque récurrente puisque je me suis dit la même chose une dizaine d’années plus tard au sujet du sexe). Et pourtant, sous le regard taquin de l’hippopotame, c’est arrivé. J’étais si heureuse, j’exultais, le serveur m’a même offert deux ballons pour fêter l’événement, on peut dire que c’était un jour de fête.
Pendant des mois, aucun signe d’une dent d’adulte pour venir prendre la place de l’autre. Puis un jour, ma gencive accoucha d’un minuscule croc, pas plus large qu’un grain de riz. C’est d’ailleurs le nom que lui a donné mon dentiste, avant de l’arracher en m’assurant qu’une autre dent, une vraie, attendait derrière. J’étais un peu comme certains requins dont les dents se renouvellent tous les 15 jours, sauf que les miennes mettaient des années. C’est ainsi que je fis mon entrée dans le monde médical, et l’orthodontiste que je dus consulter à ce stade fut la 1ère d’une interminable série de docteurs d’élite.
L’orthodontiste n°1 s’exprimait surtout par le regard : ses yeux étaient écarquillés en permanence, et elle exprimait ses émotions grâce à une palette de froncements de sourcils absolument remarquable. Attentive, dubitative, amusée, touchée, déterminée : elle communiquait par ses sourcils comme les indiens communiquent par nuages de fumée. A mon entrée en 6ème, le vide laissé par le grain de riz était encore intact, et j’avais réduit les occasions d’ouvrir la bouche au strict minimum. C’est à cette époque que je commençai à développer une véritable obsession pour la dentition des autres, et plus que les filles qui avaient des seins ou les dernières Van’s, j’enviais celles qui riaient à gorge déployée. Mon orthodontiste tint à me montrer sa sollicitude, aussi me fabriqua-t-elle un faux palet dans lequel étaient plantées deux fausses dents qui viendraient masquer cette misère. L’appareil était hélas conçu de sorte qu’il m’était impossible de fermer la bouche quand je le portais, et il déclenchait en outre un afflux de bave impossible à maîtriser. D’autres échecs succédèrent à celui-là, et je dus endurer le lémurien jusqu’à ce qu’elle se décide à hisser le drapeau blanc et à enlever les bagues qui m’écartelaient la mâchoire. Elle m’annonça ce jour-là qu’elle ne maîtrisait pas bien la pose des fils de fer destinés à maintenir les dents une fois le traitement achevé, et me demanda si elle pouvait assister au spectacle quand mon dentiste se chargerait de cette touche finale. Je trouvai la requête incongrue, car à l’évidence c’était loin d’être son seul point faible dans l’exercice de son métier. Mais lorsque je les vis tous les deux penchés au-dessus de moi, échangeant œillades complices et froncements de sourcil sans équivoque, je compris tout. J’avais été la monnaie d’échange d’un sombre commerce sexuel entre eux : tu couches avec moi, je t’envoie mes patients. Les salauds.

mardi 3 février 2009

"Bonne" année


Réjouissons-nous, le mois de janvier est terminé, et il emporte avec lui les traditionnels vœux de début d’année. Curieuse tradition que celle d’ajouter « et bonne année hein ! » aux habituels « salut », « ciao » et « à plus » qui concluent généralement une interaction.

À 00H01, le ‘bonne année’ tonitruant et enthousiaste qui résonne dans la salle a quelque chose d’émouvant. L’esprit vagabonde dans les vapeurs de champagne : on mesure le chemin parcouru en 12 mois, on est heureux et plein d’espoir, on fait des déclarations intempestives à tous ceux qui sont à portée du déferlement d’amour que l’on sent en soi. Inévitablement, la formule perd de son impact à mesure que passent les jours. Si bien que le 31 janvier, ‘bonne année’ ne provoque plus aucune accolade ou larme à l’œil, sauf cas rares (et inquiétants).

On se moque, on trouve ça ridicule, mais soyons honnêtes : cette année encore et comme toutes les autres, chacun d’entre nous a répété 72 fois « bonne année », et avec le sourire la plupart du temps. Les authentiques activistes anti-bonne-année (« Je te souhaite une bonne année ! » « Ah ouais ? Et ben moi je te souhaite une année de merde. Pourrie. Une avalanche de tuiles. ») sont finalement chose peu commune.

Mais l’année 2009 se distingue des autres. Elle a donné naissance à une nouvelle forme de vœux : les vœux décourageants. C’est tout simple et à la portée de n’importe qui, il suffit d’ajouter des guillemets au mot « bonne », et on transforme immédiatement amitiés et bons sentiments en une sorte de prophétie funeste. Ecrire « bonne » année, c’est dire : je le dis, mais je trouve ça vraiment inepte de formuler pareils vœux alors que la société va à vau l’eau, que c’est la crise, que nous ferions mieux de tous nous immoler par le feu dès aujourd’hui tellement cette année va être difficile, infernale, terrible, on n’aura plus de travail, on croisera des gens qui poussent des charrettes sur le bord des routes, on aura les ongles sales, nos enfants contracteront le scorbut, une météorite va s’abattre sur la Terre, l’empire soviétique renaîtra de ses cendres, la crise de 29 c’était une sinécure à côté de ce qu’on va endurer, la Bérézina c’était une fête entre amis sur une plage en été.

Ça fonctionne aussi à l’oral, pour un effet tout aussi déprimant. Citons ici un présentateur radio dont je tairai le nom (pour l’avoir oublié) : « Bonne année à tous les auditeurs, enfin « bonne »… Je m’entends. ».

Question : quel intérêt ?

Suggestion pour 2010 (à l’endroit des cyniques, des pessimistes et des présentateurs radio) : abstenez-vous.