mardi 3 mars 2009

Liberté - égalité - rétention des portes



Etait-ce à cause du chômage ? Etait-ce à cause de la crise (même la grand-mère de Léa lui avait livré son analyse: « Ah bah ça, c’est la cata dans tous les secteurs, entre les voitures, l’immobilier, l’automobile… »)? Léa radicalisait ses positions.
Samedi soir, minuit et demi : Léa rentrait chez elle en métro après une soirée passée dans un bar. Elle avait été sérieusement échauffée par le videur qui l’avait prié d’aller fumer sa cigarette -en silence- au bout de la rue. Après une vaine tentative de négociation (« Déjà je dois SORTIR pour fumer ma clope, et en plus il faut que je m’exile 200 mètres plus loin pour ne pas gêner l’entrée ?! Non mais tu as vu mes chaussures ? Tu crois que je peux cavaler avec des talons pareils ? Quoi, j’ai qu’à mettre des baskets ! Il faut prévoir une tenue de rechange pour aller fumer maintenant ? ») qui s’était soldée par une avalanche de remarques misogynes, Léa avait dû obtempérer.
Une fois dans le métro, elle regardait tristement ses orteils transformés en Knacki Balls par les escarpins (« 10 000 $ que c’est un mec qui a fabriqué ces chaussures »). Elle leva la tête pour compter le nombre de stations qui la séparaient d’une nouvelle séance de torture, et tomba nez à nez avec un sticker multicolore : « Préparer ma sortie facilite ma descente. ». Elle regarda autour d’elle, toutes les vitres du wagon étaient décorées par ces injonctions déguisées en sympathiques bulles de bande dessinée.
« - Non mais Basile, t’as vu ça ? Bientôt ils mettront des panneaux pour expliquer comment on doit marcher dans la rue ! Il faudra mettre son clignotant pour dépasser quelqu’un sur le trottoir !
- Ben oui… C’est la nouvelle campagne RATP, c’est pour que les gens aient un comportement plus civique…
- C’est plus possible, Basile. Aide-moi, on va les décoller.
- Tu es saoule.
- Parfaitement ! Je suis une fumeuse et une soiffarde : qu’on m’emmène au goulag !».
Léa se mit à gratter frénétiquement « 1 seconde perdue en station, c’est du retard sur toute la ligne ». Le wagon était presque vide, mais Basile avait choisi de faire semblant de ne pas la connaître. Malgré ses enthousiastes « Tous avec moi ! », Léa l’activiste ne recevait aucun soutien, pas un regard, pas le moindre sourire attendri. Arrivée place de Clichy, elle avait 3 stickers trophées dans son sac. Elle se demanda tout d’un coup s’il y avait des caméras dans les wagons, si des molosses l’attendaient à la sortie, on lui avait dit que les agents de sécurité de la RATP étaient les plus méchants de tous, bien devant les CRS… Son cœur de jeune révolutionnaire se mit à battre plus vite.
« Basile, couvre-moi ! »
Pendant qu’elle courait vers la sortie, Léa s’imaginait enfermée avec d’autres utilisateurs déviants des transports en commun, sa mère lui apportant des oranges qu’elle ne pourrait pas manger car elle serait en grève de la faim… Plus mal aux pieds, plus mal nulle part, Léa était galvanisée par l’esprit de la rébellion, elle volait dans les escaliers. Ils ne l’auraient pas cette fois, les salauds.

3 commentaires:

  1. validé à 100%, rebelle-toi Léa

    Suggestions pour la RTAP:

    "Marcher droit, c'est aider l'autre à anticiper les trajectoires"

    "Ne pas critiquer l'action du gouvernement c'est renforcer l'équilibre social du pays"

    "Ne pas compter le nombre de station qu'il vous reste avant votre descente, c'est risquer de sursauter et de filer comme un malade en bousculant tout le monde, et donc de renverser un enfant, et donc de l'électrocuter s'il tombe dans l'interstice entre la voiture et le quai"

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  2. 10/10. Etienne, au pouvoir, Etienne au pouvoir !

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